3 secondes à Boston
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- vendredi 7 novembre 2014 04:37
Quel WE de compétition que cette 50ème édition de la Head Of The Charles ! Comme je l'ai dit dans mon dernier post, ces quelques jours au sein du « Great Sculling Eight » ont été riches en émotion.
Tout d'abord, samedi fut l'occasion pour notre équipage de courir en bateau court. Les Sinkovic Brothers (champions et recordmen du monde en double) face à une mixte Tchéco-norvégienne (Synek/Tufte). Drysdale, Graves et moi-même courrions en skiff tandis que Roel Braas gardait les jambes au frais. Notre priorité étant le huit, nous n'avons pas pris le temps de vraiment bien nous installer dans nos embarcations. 300m en skiff pour vérifier les réglages rapidement et rien de plus.
J'avais décidé à Amsterdam que je souhaitais essayer les « Arrows » de chez Crocker, les nouvelles ultra-fines de la marque. Les sensations diffèrent beaucoup de mes bonnes vieilles S4 surtout à la prise d'eau. Mais c'est un essai positif. Peu importe les réglages, me voici sur la ligne de départ dans mon Hudson monté à la hâte à me demander pourquoi j'ai absolument voulu m'engager en skiff. Les derniers jours furent plein d'incertitude. Une semaine plus tôt, je me bloquais le dos en musculation. Incapable de ramer et tout juste autorisé à marcher 30 min, j'ai quand même pris l'avion le mercredi avec mes anti-inflammatoires en passant une partie des 7h de vols allongé à l'arrière à m'étirer et à essayer de relâcher la tension musculaire. J'étais heureux de pouvoir mettre les 1ers coups de rame le jeudi matin mais la douleur n'était pas loin. Je ne voulais donc pas faire de ma sortie en skiff un billet de sortie du 8 ! L'objectif était de s'assurer que le dos tienne le coup et je me suis dis : « vas-y molo ». Cette tête de rivière est surtout une histoire de direction. Une bonne ligne et ce sont des secondes dans la poche. En huit, pas de souci pour les rameurs...il y a un barreur. En skiff, il faut se retourner régulièrement, d'autant plus quand on ne connait pas par coeur le bassin. Je me suis donc concentré sur la direction avant de me concentrer sur la taille de mes bouillons dans l'eau. J'ai descendu le parcours à un gentil 28, long et solide avec des pulsations dans la fourchette basse et le tout en m'assurant les bonnes décisions en terme de trajectoire. Je finis le dernier 500m pour l'honneur à 36-38.
Je franchis la ligne en me disant qu'être dans les 10 premiers serait un bon résultat. C'est en arrivant au ponton qu'on m'annonce que j'ai fait 3ème entre K.Borch le Norvégien (4sec) et devant M.Drysdale pour une petite seconde. Battre le champion olympique en titre et quintuple champion du monde de la discipline, cela ne se refuse pas. Et de cette manière...je suis satisfait. Ma vitesse de base est bonne, tout comme mon sens de la direction apparamment. Toutefois, il faut nuancer les choses. On a pris une leçon par le jeune poids léger américain, local de l'étape, qui s'impose avec 10sec d'avance et en signant le record du bassin. Chapeau bas, Mr Andrew Campbell.
C'est le lendemain que les choses sérieuses commencèrent. Nos 4 sorties sur l'eau ensemble nous avaient montré que notre vitesse de croisière était très bonne. Mais encore fallait-il être capable de reproduire cela le Jour-J, dans les conditions du moment et pendant 4,8km. Dans ce fort vent contre et glacial de ce dimanche après-midi, nous savions qu'appliquer notre puissance sans faire attention à réaliser le coup d'aviron de manière propre et intelligente, ne nous permettrait pas de tenir la distance. Avec John Graves à la pointe, notre rôle était clairement de tenir l'équilibre de la coque dans les nombreuses rafales et dans les virages afin de permettre à nos « 4 fantastiques » du milieu d'appliquer leur 5'42 de moyenne à l'ergomètre. Long et puissant, tel était le mot d'ordre pour les 2 frères Croates. Pas de cadence infernale dans ce vent défavorable. C'est à 34-35 que nous avons descendu le parcours. Nous sommes partis en laissant le maximum d'écart entre nous et le Great Sweep Eight, notre adversaire principal, afin de ne pas nous retrouver dans leur vague mais surtout pour ne pas leur permettre de faire la course contre nous. Plus l'écart est grand au départ, plus il est dur de juger de la distance qu'on prend ou qu'on perd. Il ne fallait pas qu'on les aide à nous battre. Stratégie mise en place par Peter Wiersum, notre barreur, qui a pris des trajectoires comme on pouvait les rêver. Je retiendrai de cette course le dernier 700m qui fut une charge massive à plus de 40 coups/minute. Je volais littéralement à la pointe ! Quelle puissance !
Une fois la ligne franchie et sans aucune indication sur le résultat, Mahé Drysdale a eu ces mots plein de bon sens : « Quelque soit le résultat, nous avons fait la course que nous devions faire. Nous n'avons rien à nous reprocher. On garde ça en tête. Je suis fier de vous les Skiffeurs ». Cela a pris près d'une heure avant que les résultats officiels ne soient annoncés. C'est avec un écart « monstrueux » de 3 secondes seulement que nous nous imposons face à un Great Sweep Eight et un Hamish Bond déçus et un peu amers. Ils avaient tout mis en place pour essayer de remporter cette course. Une semaine d'entraînement ensemble à Boston et aucune fantaisie lors des soirées de gala ou les repas de l'organisation. Ils voulaient gagner. Nous voulions gagner. Les « Coupleux » ont battu les « Pointus » à leur propre jeu. Mais déjà, cela parlait de revanche l'an prochain...
Une 1ère place en huit et une étonnante et prometteuse 3ème place en skiff, je m'envole pour Victoria motivé et gonflé à bloc.
« L'aventure continue... »