Indécision
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- lundi 12 décembre 2016 05:33

La fin de l’année approche et s’il y a quatre mois de cela je pensais y voir plus clair aujourd’hui, et bien...j’en suis loin du compte. L’indécision est probablement le plus dur des sentiments à vivre pour moi.
En septembre, je me suis embarqué dans un processus personnel pour identifier ce que j’aime faire en dehors de l’aviron. Après 17 ans d’aviron dont 14 passées à haut niveau, il est difficile de tourner la page. C’est la fameuse transition qui peut faire peur...et qui fait peur. Pour moi, elle me fait peur car je ne suis pas sûr d’en avoir terminé avec l’aviron. Mais là aussi, je suis indécis sur la véritable raison. La frustration est profonde. La douleur de l’échec est enracinée et ma performance de Rio ne reflète pas l’athlète que je pense être. L’ensemble de l’équipe a la sensation de s’être fait voler un résultat qui est en contradiction avec les valeurs pures des individus.
L’aviron, on le sait, n’est pas simplement la somme des individualités. Cela prend des individus hors-normes mais qu’il faut savoir amener à performer ensemble. Et clairement, notre équipe avait plus que son lot d’individus, mais pas l’alchimie d’une équipe. Et ce parce que le management, la gestion et l’environnement n’ont pas permis l’émergence d’un groupe dont seule la performance collective importe.
Donc me voici là, à 30 ans à contempler le marasme d’une équipe et à me dire que c’est peut-être dans ce terreau fertile fait de colère, de passion, d’envie, de frustration, de larmes, de « plus-jamais » que peut naître une performance dans quatre ans. Je le sens, je le vois. Dans tous les échanges que nous avons entre nous, on sent cette force sourde et puissante. Presque primitive. Les exemples au Canada ne manquent pas avec 1988 et 2004 où les huit échouèrent en finale olympique. Résultat : les olympiades 1992 et 2008 furent parmi les meilleures années de l’aviron canadien. Il y a cette force de l’échec que je sens dans mes coéquipiers et qui peut amener le Canada à vivre quatre années de combat pour renaître et vaincre. Mais encore faut-il que cela soit dirigé dans la bonne direction. Car la vengeance à tout prix peut aussi amener à l’épuisement et à la perte du « pourquoi ». Sommes-nous à l’aube d’une dynamique de victoire ?
Mais je sais aussi le coût personnel d’un choix qui m’amènerait à revenir. Un cycle olympique d’engagement total, de choix familiaux, de problèmes physiques, de douleur et de sueur au service d’un collectif sans aucune garantie de succès. C’est le prix à payer. Cela rend les victoires d’autant plus belles et les échecs encore plus douloureux.
J’ai bien essayé depuis septembre de me lancer dans mes autres centres d’intérêts, dans mes rêves d’enfants. J’ai tenté le processus de sélection pour devenir pilote dans l’armée l’air canadienne. Après une première vague de sélection à Victoria réussie avec brio, je me suis retrouvé au milieu de l’Ontario à Trenton CFB pour m’entendre dire à l’issue de 2 jours de tests intenses comme jamais que j’étais tout simplement trop grand de quelques millimètres. Retour à la maison sans autre forme de procès.
Je ne m’ennuie pas. J’entraîne les jeunes juniors filles moins de 17 ans au club de Victoria et étonnamment, je me surprends à aimer le coaching. Je finalise l’achat d’une magnifique maison en bord d’océan et là c’est un rêve qui devient réalité. Je reste actif avec 4 à 5 séances par semaine pour garder la forme. Et par dessus, je recherche activement du travail mais là aussi sans savoir si je souhaite travailler un ou deux ans puis retourner au centre d’entraînement ou si c’est le travail qui me fera tourner la page d’une carrière déjà bien remplie.
L’indécision totale. Janvier pointe le bout de son nez et je n’ai toujours pas pris de décision. Il n’y a rien d’officiel côté fédéral non plus. J’aime agir et assumer mes choix mais là, tout n’est pas sous mon contrôle. Quel coach ? Quel environnement ? Quel bateau prioritaire ? Quels moyens ? Quel programme ? Je n’ai aucune réponse à ces questions. Donc tel Saint Thomas, peut-être vais-je avancer à pas prudent et ne croire que ce que je vois.
J’ai confiance en ma capacité à revenir en quelques mois comme j’ai pu le faire dans le passé et si je reviens, ce sera pour une nouvelle aventure puissance 10.
Dans tous les cas, « l’aventure continue... »