Une semaine à 100%

La semaine passée fut une semaine intense dans tous les sens du terme. De façon très tardive, nous avons été prévenu moins de deux semaines auparavant qu’une série de tests sur ergomètre et sur l’eau serait faîte en vue de sélectionner les 6 rameurs qui composeraient le groupe en partance pour notre dernier stage hivernal à Sacramento. A l’issue de ce stage, et à un mois de notre première course en Europe, nous nous approcherons de la composition finale du bateau présenté à la qualification olympique en Mai. Cette semaine avait donc un avant goût de sélection finale. En tout cas, mieux valait finir dans le dernier carré. Au programme, un 6km à l’ergomètre le lundi, un 2000m en skiff le mercredi et des piges croisées en double le jeudi. Aucun moyen de gérer quoique ce soit. Une semaine à 100% !


Mais la semaine d’avant n’avait pas été de tout repos avec la venue de l’Université de Washington sur Victoria. Entraînements en bord à bord avec les Huskies, quatre sans barreur contre quatre de couple et même quatre de couple contre huit. Une bonne cure de jouvence avec les jeunes mais on n’y a certainement laissé quelques plumes sur l’eau. Après mon dernier 6km du mois de décembre, où j’avais réussi à réaliser un nouveau record personnel (18min24 soit 1’32’’0 de moyenne/500m), j’ai décidé d’attaquer ce 6km sur les bases de ce record. A la mi-parcours, j’étais sur un passage en 9min10 (1’31’’7/500m) mais je crois que Thor et son marteau m’attendait au tournant. J’ai été frappé de plein fouet par un coup de moins bien et je vous assure que 3km dans le dur, et bien c’est long ! Je finis le test en 18’33 (1’32’’8) et fortement entamé physiquement. Ce n’était clairement pas le jour pour un record.


Il s’ensuivit une journée plus light pour tamponner le test où j’ai eu à me débattre avec un bon mal de crâne et des jambes en coton. Le lendemain matin, moment de vérité en skiff. 2000m (la distance olympique) en contre-la-montre les uns contre les autres. Pour ne pas faire d’histoire, nous avons pioché un numéro de départ dans un chapeau (la casquette du coach en l’occurrence). Numéro 5 pour moi. Nous étions 10 rameurs au total à prendre le départ. Je réalise un parcours qui me permet de m’imposer mais bien loin des sensations du printemps où je suis reposé avant d’attaquer ce genre de course. Au 1000m, plus rien dans le réservoir si ce n’est de la détermination et un peu de folie à persister dans la douleur. Je gagne en 7min14 un peu plus d’une seconde devant Will Dean et un peu moins de 4 secondes devant Pascal Lussier, mon collègue Québécois.


A peine le temps de souffler (ou de vomir pour certains) et déjà, nos regards devaient se tourner vers les piges croisées du lendemain. Seuls les 6 premiers en skiff allaient participer à ce « Matrix ». Rob Gibson revenant de blessure et ayant gagné le skiff au championnat national en 2014 et 2015 ne participait pas à cette sélection mais ferait partie du groupe en partance pour la Californie. De ces 6 rameurs, seuls 5 obtiendraient leur billet pour le stage. W.Dean et moi fument associés ensemble sur les 3 parcours après la décision de Terry d’avoir un double de « référence » et sur la base des résultats en skiff. Les 4 autres rameurs allaient effectuer un parcours avec chacun. 3x1500m en contre-la-montre espacés de 30min dans des conditions de bassin relativement compliquées. Juste le temps de changer de partenaire, de souffler et d’ajuster son cale-pied.


Un seul mot me vient à l’esprit : dur. L’impression de ne plus avoir de munitions dans le fusil et de me battre à coup de crosse. Entre les gars qui vomissent, ceux qui finissent par saigner du nez et les autres qui ne tiennent plus debout, on n’était plus dans Apocalypse Now que dans un film de Disney. La bonne nouvelle, c’est que le groupe est dense et que les écarts entre les doubles furent mince voire infimes parfois. Au général, Will Dean et moi remportons nos 3 parcours suivi de très près par Pascal Lussier et Matt Buie (2 centièmes de seconde séparent ces deux derniers au cumulé. Autant dire...rien !). C’est Taylor Perry, champion du monde -23ans l’an dernier en quatre de couple, qui prend son ticket pour la Californie, devant Andrew Stewart Jones pour 3 petites secondes. Un vrai défi physique et un réel challenge mental qui nous auront définitivement soudés. Se battre pour sa place et se mesurer sur l’eau sont pour moi les ingrédients de la confiance et de la performance en bateau d’équipage.


Il faut à présent récupérer et se tourner vers le prochain objectif : Sacramento pour deux semaines de quatre de couple et de double. L’équipe -23ans nous y rejoint pour pimenter les entraînements. Cela annonce déjà d’épiques bagarres sur l’eau. Un mois seulement avant le départ pour l’Europe. Un petit mois pour finaliser notre préparation. Cela arrive vite mais je crois que l’envie d’en découdre est déjà perceptible.


« L’aventure continue... »